En 2021, le cinéma ne sait toujours pas montrer une vraie partie de jeu vidéo

En 2021, le cinéma ne sait toujours pas montrer une vraie partie de jeu vidéo

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Par Pierre Bazin

Publié le

Quand Brad Pitt joue à Mario Kart sur PlayStation avec une manette Xbox débranchée. Kamoulox.

Voilà le topo : vous êtes un joueur, une joueuse, un vrai g@m3rz. Vous regardez tranquillement une série ou un film de bonne facture quand soudain… les personnages entament une partie de jeu vidéo. Ce moment vous le redoutez, car vous savez déjà comment cela va finir : mal. Peu importe le talent des acteurs, ils n’arriveront pas à vous convaincre qu’ils savent ce que c’est de “jouer aux jeux vidéo”.

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La récente série Netflix Lupin vient de confirmer cette idée. Dans l’épisode 4, Assane Diop (Omar Sy) et son fils jouent à la console pour illustrer un moment privilégié entre le père et le jeune ado. Au début, rien de bien choquant, ils empoignent chacun leur manette de PS4 et jouent tout en parlant. Le problème ? Ils sont sur Horizon Zero Dawn, un titre jouable… uniquement en solo.

TV show on Netflix portrays HZD as a 2 player game? from r/horizon

Sur le Reddit consacré au jeu, les fans sont tiraillés entre l’hilarité et la colère. Certains pointent du doigt qu’au moins pour une fois l’acteur n’est pas en train de masher tous les boutons, d’autres se désespèrent et s’interrogent :

Pourquoi c’est si difficile pour eux de représenter des jeux vidéo à la télévision et au cinéma ? Ce n’est presque JAMAIS la bonne manette pour la bonne console, le nombre correct de joueurs voire la machine n’est même pas allumée !

Une erreur (très) récurrente

Quels que soient la qualité ou le budget du film, le cinéma semble quasiment incapable de représenter correctement ce qu’est une vraie partie de jeu vidéo. Mauvaise manette, mauvaise console, mauvais jeu, mouvements bien trop exagérés, parfois tout ça à la fois : rien ne va.

Même des grands noms comme Breaking Bad n’échappent pas à cet écueil. Dans le final de la célèbre série, Jesse joue au jeu Rage comme un rail shooter avec un lightgun (comme pour un jeu d’arcade).

Encore que pour cet exemple, cette hérésie vidéoludique se justifie au moins par un souci de mise en scène qui aura de l’importance dans le scénario. Il existe évidemment bien pire. Vous vous souvenez de 40 ans, toujours puceau ? Dans une scène iconique, David et Cal (Paul Rudd et Seth Rogen) débattent des diverses raisons qui expliquent en quoi l’autre “est gay”. En même temps qu’ils s’envoient des scuds, les deux comparses jouent à Mortal Kombat: Shaolin Monks (2005), sorti sur PS2 et Xbox.

Alors pourquoi diable l’un a-t-il dans la main une manette de N64 qu’il tambourine comme une kalimba, tandis que l’autre joue avec une espèce de télécommande (Philips CD-i ?) de manière tout aussi étrange. Les exemples dans le cinéma ne manquent pas, pire ils sont presque systématiques. De Tony Soprano qui joue à Mario Kart avec une seule main sur la manette à la fameuse série Malcolmles frangins jouent à la Game Boy… sans cartouche !

Le jeu vidéo encore trop “accessoire” aux yeux du cinéma ?

Pour revenir à Lupin, la série aborde des sujets “tech” comme le deepfake ou l’espionnage par drone, mais quand il s’agit de choisir correctement le bon jeu pour une scène, ça coince. On parle ici d’acteurs parfois oscarisés et césarisés accompagnés de cadors de la réalisation sur des budgets qui dépassent plusieurs dizaines millions d’euros.

Imaginez une série où les personnages se feraient une petite partie d’échecs en faisant bouger la tour en diagonale, une scène de film où ils joueraient au poker avec un jeu de tarot, même un non-initié serait triggered. Quand on connaît la précision de certains réalisateurs sur d’infinis détails, parfois invisibles voire mêmes coupés au montage, on s’étonne de voir le jeu vidéo si injustement délaissé.

Sur un tournage, n’y aurait-il pas ne serait-ce qu’un stagiaire pour vérifier la bonne utilisation d’un jeu ou d’une console ? On peut apprendre à Omar Sy à manier un fusil laser dans X-Men mais apparemment pas à utiliser correctement les joysticks d’une manette DualShock. Sur Reddit un utilisateur émet l’hypothèse d’une crainte du cinéma face à un médium qui les dépasse désormais en termes de budget et de chiffre d’affaires :

“La vérité est que Hollywood est très, très nerveux vis-à-vis de l’ascension des jeux vidéo en tant que média alternatif au cinéma. Au-dessus, on retrouve des producteurs qui ont probablement entre 50 et 70 ans, leurs meilleurs souvenirs de jeux vidéo restent les arcades, s’ils se souviennent encore des jeux vidéo.”

Mais n’est-ce pas plutôt un mépris encore trop prégnant du grand comme du petit écran pour l’interactif ? Il n’y a qu’à voir comment les univers de jeux vidéo continuent d’être (mal) adaptés au cinéma pour s’en rendre compte de la distance mise entre les deux médias.

Des bons élèves… où on s’y attend le moins

En 2020, le jeu vidéo est pourtant un excellent prétexte pour illustrer au cinéma un moment de convivialité, d’amitié ou même de rivalité entre deux personnages. Il faudrait simplement que cela soit bien fait, sans rentrer nécessairement dans le fan service.

Citons tout de même quelques bons élèves.

Dès 1996, dans le film Swinger, Vince Vaughn joue à NHL 94 de manière… parfaitement naturelle. Il reprend sa manette un peu en précipitation, essaie de regarder l’écran à travers son pote, il lâche les boutons quand il ne se passe rien dans le jeu. Bref il reste précis du début à la fin de la scène dans son jeu d’acteur : c’est un joueur de jeu vidéo lambda.

Un peu plus récemment en 2017, la série Riverdale – qui n’est pourtant pas connue pour être la plus subtile des séries – avait représenté une partie sur Xbox One de DC Universe Online. C’est un jeu multi mais Archie y joue seul, tandis que Jughead le critique : une scène banale de deux jeunes joueurs face à un jeu où une seule manette est disponible. Une représentation réaliste, tout simplement.

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Comble de l’ironie, un secteur bien particulier du cinéma sait depuis longtemps comment correctement représenter une vraie partie de jeu vidéo : le porno. En effet la catégorie “Gaming” a toujours un grand succès dans les vidéos pornographiques. Peut-être par manque de budget pour faire une incrustation sur écran. Il n’empêche que les actrices et acteurs jouent bien réellement aux jeux en question. Mal parfois, très mal souvent, mais ils y jouent avec la bonne manette et la bonne console.

Mais bon, on ne va pas se mentir, aller voir une œuvre telle que “Pas moyen de jouer à Fallout 4 sans me faire baiser par tous les trous” pour enfin avoir le droit à une crédible représentation de partie de jeu vidéo, c’est un peu déprimant.

Vous vous êtes déjà énervé contre un film ou une série pour sa représentation du jeu vidéo ? Écrivez-nous à hellokonbinitechno@konbini.com