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À Hong Kong, les manifestants désossent des lampadaires connectés

À Hong Kong, les manifestants désossent des lampadaires connectés

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Par Thibault Prévost

Publié le

Ces 400 éclairages publics "multifonctionnels", bardés de senseurs et de caméras, alimentent la peur de la surveillance.

Une nouvelle fois, les images de manifestations hongkongaises prennent des accents cyberpunk. Le 24 août, sur Twitter, une vidéo fait le tour des cercles techno-critiques et autonomes : on y voit une dizaine de membres du black bloc local méthodiquement scier la base d’un lampadaire à la scie sauteuse avant de l’abattre, comme un séquoia de métal, à l’aide de cordes nouées à son sommet. Le mât est ensuite tagué, le placard électrique est éventré et les circuits imprimés démolis, sous les vivats des autres manifestants.

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Pourquoi ? Parce qu’il s’agit de bien plus que de simple dégradation de mobilier urbain. Le 17 juillet dernier, le South China Morning Post rapportait que la ville de Hong Kong allait déployer, d’ici trois ans, 400 lampadaires “multifonctionnels” afin de préparer l’avenir de son centre-ville connecté, et notamment le déploiement du réseau mobile 5G.

Multifonctionnels, parce qu’ils embarquent un hotspot wi-fi, des caméras de surveillance en circuit fermé (CCTV) et une farandole de senseurs pour évaluer en direct la qualité de l’air, la météo et le trafic routier et piétonnier. Bref, l’incarnation panoptique de la ville de demain. Or, Hong Kong en a déjà installé une cinquantaine sur la baie de Kowloon, théâtre des violences entre manifestants et forces de l’ordre.

La ville intelligente, cheval de Troie du contrôle social

Le symbole est celui de trop pour certains manifestants, qui voient dans ces lampadaires connectés l’incarnation d’un régime de surveillance inspiré du voisin chinois, où la reconnaissance faciale se généralise au triple galop dans les centres urbains (en avril, le New York Times révélait que le gouvernement chinois utilisait des caméras connectées, jusqu’en plein Pékin, pour recenser les minorités ethniques Han et Ouigour).

De son côté, la mairie de Hong Kong affirmait le mois dernier au South China Morning Post que ces lampadaires ne menaceraient pas la vie privée des citoyens, puisque les caméras installées ne disposeraient pas de logiciel de reconnaissance faciale automatisée et qu’elles ne seraient jamais pointées vers des immeubles d’habitation.

Mais dans le contexte social qui agite la ville autonome, aucune justification ne saura calmer l’angoisse d’un glissement vers l’autoritarisme chinois et son arsenal de technologies de traque. La surveillance est déjà trop présente, trop insidieuse, trop crainte. Dans les cortèges couverts de parapluies, sortir le visage découvert est prohibé, et jouer du laser pour désorienter les caméras de surveillance est devenu banal. Mais pour les pouvoirs publics hongkongais, tout cela semble peser peu face à la perspective d’une ville intelligente.