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En Chine, Canon a installé des caméras pour forcer ses employés à sourire

En Chine, Canon a installé des caméras pour forcer ses employés à sourire

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© Canon Information Technologies.

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Par Pierre Bazin

Publié le

Pas de sourire, pas d’accès à la réunion. Une technique managériale qui a le mérite d’être claire…

“Souriez, vous êtes filmés” pourrait être le nouveau slogan de la marque de produits optiques Canon, en particulier de sa filiale Canon Information Technology située en Chine. Cette dernière aurait installé au sein de ses bureaux des caméras équipées d’un logiciel de reconnaissance faciale utilisant l’intelligence artificielle. L’objectif ? Lutter contre la morosité au travail avec une logique implacable : les employé·e·s qui ne sourient pas suffisamment ne sont pas autorisé·e·s à entrer dans la salle de réunion, la porte étant reliée aux caméras en question.

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C’est un rapport publié par Financial Times qui nous apprend l’existence de cette édifiante technique managériale qu’on croirait tout droit sortie d’un roman dystopique. Nombreuses seraient les entreprises chinoises à recourir aux IA et autres algorithmes pour surveiller leurs salarié·e·s et même quantifier leur efficacité au travail. Des logiciels installés sur les ordinateurs permettent ainsi d’établir la “productivité” d’un·e employé·e, tandis que des caméras surveillent les durées de pause déjeuner.

Plus grave encore, le rapport du quotidien Financial Times évoque l’existence d’une surveillance et d’un tracking en dehors des bureaux via des applications sur smartphone. Interrogé par le journal britannique, Nick Srnicek, universitaire en économie numérique au King’s College de Londres, dresse un tableau plutôt sombre de ces entreprises 3.0 :

“Les travailleur·euse·s ne sont pas remplacé·e·s par des algorithmes et l’intelligence artificielle. À la place, c’est le management qui se voit, en quelque sorte, renforcé par ces technologies […]. Les technologies accélèrent le rythme de travail des personnes qui travaillent avec des machines plutôt que l’inverse. C’est tout l’inverse de ce qui s’est passé pendant la révolution industrielle au XVIIIe siècle.”

Le plus étonnant dans cette affaire est que Canon Information Technology avait annoncé il y a plus d’un an l’arrivée de ces caméras équipées d’un logiciel de “reconnaissance du sourire”. La filiale chinoise ne s’en est jamais cachée et se félicitait même d’avoir trouvé une solution pour que ses employé·e·s soient “100 % souriant·e·s”. La preuve que ce genre de technologie est déjà une pratique très courante dans les grandes entreprises de l’empire du Milieu.

Présentation des caméras de “reconnaissance de sourire” par © Canon Information Technologies.

En Occident, bien que ces pratiques extrêmes soient interdites, régulées ou moralement condamnées, elles ne sont pas du domaine de la pure science-fiction pour autant. Parfait exemple de ce taylorisme 2.0, une firme comme Amazon surveille et quantifie les performances de ses employé·e·s et n’hésite pas à se reposer sur des algorithmes pour optimiser au mieux leur “productivité” – et licencier les éléments les moins efficaces en conséquence.

Cette surveillance insidieuse se retrouve d’ailleurs jusque dans nos ordinateurs personnels ou professionnels. En novembre dernier, on apprenait par exemple que Microsoft avait mis en place des possibilités techniques de surveillance au sein de sa marque Microsoft 365, qui regroupe la suite Office et des services cloud.

La raison principale invoquée pour justifier l’arrivée de ces technologies de surveillance a bien évidemment été celle du télétravail, qui a explosé depuis la pandémie de Covid-19. Pour les questions éthiques, on repassera.

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