Ils n’ont percé qu’une seule fois sur Twitter. Ils racontent

Ils n’ont percé qu’une seule fois sur Twitter. Ils racontent

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Par Pierre Schneidermann

Publié le

Un beau jour, ils ont amassé des milliers de likes et de retweets et sont aussitôt retombés dans l'oubli...

Il y a un point commun entre Twitter et la loterie : sans crier gare, le destin se met en travers de votre chemin et, qui que vous soyez, il vous fait tirer le gros lot. Au loto, ça se mesure en monnaie sonnante et trébuchante. Sur Twitter, c’est en likes et en retweets, qui pleuvent par milliers.

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Ces individus à qui la vie a décidé de sourire sur Twitter ont su choper la vague avec une vanne, une punchline, une reprise intelligente, un coup de gueule ou une histoire totalement délirante. Hélas, le propre d’une vague, c’est de vite retomber. Héros d’un jour, ces “perceurs” retombent dans les ténèbres aussi vite qu’ils en ont été extirpés.

Mercantiles, certains de ces primo-perceurs commettront, dans la précipitation, un second tweet pour renvoyer le troupeau vers un projet perso ou une cause qui leur tient à cœur, pour transformer la propulsion. En vain. Et, pour ne jamais oublier ces temps heureux, il n’est pas rare que l’on retrouve ce tweet épinglé sur leur profil, à la fois butin de guerre et trophée de chasse.

Pourquoi s’intéresser à eux ?

Dans la vraie vie, être célèbre avant de retomber dans l’oubli est une expérience cruelle (Patrick Hernandez si tu nous lis). Mais qu’en est-il sur Twitter ? Ces mini-perceurs ont-ils cherché à percer ? Comment ont-ils vécu ce moment de grâce ? La gloire leur est-elle montée à la tête ? Rêvent-ils de repercer un jour ? Autant de questions importantes que nous nous sommes posées, à la longue, à force de les voir pulluler dans nos timelines. Cette démarche nous paraissait d’autant plus importante que l’on préfère interroger les stars plutôt que les étoiles filantes, à tort délaissées.

Sur Twitter, nous avons fait un appel à témoignages fructueux. Nous avons aussi interrogé un confrère. Suffisamment de matière pour écrire un article. Pour être tout à fait honnête avec notre lectorat, en bons journalistes fan de ragots que nous sommes, on s’attendait à du drama. Il y en a finalement très peu. Vous ne lirez aucun fait divers dans ce qui va suivre.

Les potes qui te félicitent

Maxime, aka @LeBomBarde, 66 abonnés, a le profil type du badaud. Il vogue sur Twitter “pour passer le temps et pour rire“. Il n’a percé qu’une seule fois en juin dernier, avec une blaguounette peu amène à l’encontre des Parisiens qui a amassé 3 000 likes – beaucoup moins de retweets. Cette percée inaugurale, il jure qu’il “s’en fichait complètement“.

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Pendant la déferlante, point d’euphorie, mais tout de même, une certaine fierté d’avoir fait rire et sourire les gens. Post-buzz, certains de ses vrais potes l’ont félicité, et il a reçu des messages privés (DM) marrants d’inconnus. ” Il y avait de l’échange, de l’humour, c’était constructif et tordant, j’ai bien aimé cette ambiance, comme un apéro entre potes“, analyse-t-il avec du recul. Un bémol : l’avalanche de notifications a véhiculé son lot de stress.

Bilan des courses : il n’a gagné aucun follower, ça n’a rien changé à sa vie, et il n’a pas pris le melon car il ne cherche “pas plus que ça” à repercer.

Le téléphone qui bogue

Le 20 juillet dernier, Justine*, @Machalloween1, 199 abonnés, a elle aussi reçu son sacrement, en tirant le filon Animal Crossing. Évidemment.

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Comme Maxime, elle ne cherchait pas spécialement à percer. Même si son utilisation de Twitter est toute différente. “J’utilise Twitter pour m’informer, m’éduquer et échanger avec des gens qui ont les mêmes centres d’intérêt que moi“, nous confie-t-elle.

À vrai dire, l’idée de percer lui faisait un peu peur. Twitter étant ce qu’il est, les torrents de haine ne sont jamais loin. Que l’on se rassure, plus de craintes que de mal : Animal Crossing étant un sujet peu propice aux clashs, Justine n’a pas attisé les foudres des trolls.

On avait dit qu’il n’y aurait pas de tragédie dans cet article, on a menti : Justine a reçu tellement de notifications que son téléphone, inaccoutumé au succès, a bogué, même après qu’elle a masqué le tweet.

Pour le reste, son histoire suit le même chemin plat que celle de Maxime. Félicitations de quelques potes, très peu de nouveaux followers, aucune envie de repercer. “J’apprécie le calme de mon petit compte Twitter“. Sage philosophie du retrait que Voltaire n’aurait pas reniée.

La vidéo reprise partout

La situation de Pierre, @Pyriak, ressemble nettement moins à celle des deux autres. Déjà, parce qu’il est journaliste (anciennement chez Konbini Techno). Un journaliste utilise Twitter pour le boulot, et percer permet de se faire repérer parmi ses pairs. La symbolique n’est donc pas la même.

Ensuite, parce que le destin a joué un rôle moindre : son tweet a surgi pendant les Pégases du jeu vidéo, et c’est peu dire que son auteur s’est donné beaucoup de mal. Il est le premier à avoir dégainé cet extrait vidéo saillant et émouvant, reprenant un extrait de Twitch qui diffusait la cérémonie en direct, puis monté avec son téléphone portable. Une vidéo vue plus de 100 000 fois.

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Le tweet a non seulement circulé sur la plateforme, mais aussi dans des articles de la presse spécialisée qui récapitulaient la cérémonie. “Là j’ai su que j’avais grandement facilité le travail de mes confrères journalistes ! Je crois que j’ai même ajouté mon nom et prénom à côté de mon pseudo ‘anonyme‘”, confesse-t-il.

Avant cette première et unique percée, il avait tenté quelques magouilles, notamment en postant des mèmes avec des hashtags en trending topics. Malin, mais inefficace, il n’avait atteint qu’une seule fois les 200 likes et 50 RT.

Peut-être parce qu’il est journaliste, l’euphorie était plus perceptible : “pendant une journée on voit le compteur et les notifs s’affoler, c’est assez grisant je dois dire“. Mais même pour une percée amplement méritée, la fame n’a pas suivi : il a gagné moins de dix followers (principalement du milieu).

Et la suite ? “Je ne vais pas ‘tout faire’ pour repercer mais si l’occasion se présente, que j’ai une idée comme ça, oui je n’hésiterai pas. Mais comme Twitter a tendance à me saouler toutes les 3 semaines, c’est sûrement pas près d’arriver [rires]“.

Que retiendrons-nous de ces trois témoignages ? Primo, que ces primo-perceurs ne cherchaient pas (ou presque pas) à percer. Cela vous tombe dessus comme un coup de massue. Deuxio, qu’ils n’ont pas pris le melon (modestie qui s’explique en partie par le fait que leur communauté a stagné). Tertio, que leur vie n’a pas changé d’un iota.

*Justine est un pseudo.

Vous vous êtes reconnu·e dans cet article ? Vous voulez témoigner ? C’est trop tard, l’article a déjà été écrit, mais vous pouvez quand même nous écrire pour autre chose à hellokonbinitechno@konbini.com