AccueilInternet

J’adore les pubs que Facebook m’inflige, est-ce que je suis le seul ?

J’adore les pubs que Facebook m’inflige, est-ce que je suis le seul ?

Image :

(c) Konbini Techno

avatar

Par Pierre Schneidermann

Publié le

Les algorithmes semblent m'avoir cerné. Mais je le vis plutôt bien.

Presque tout le business de Facebook repose sur la publicité. Il y a les réclames “In-stream”, celles qui surgissent au beau milieu d’une vidéo, les “Stories”, celles qui, comme leur nom l’indique, apparaissent dans les stories et, les plus bulldozer d’entre elles, celles qui apparaissent dans nos fils d’actualité, par dizaines, à mesure que nous “doomscrollons“.

À voir aussi sur Konbini

Pour ma part, les deux premières catégories de pub ne me concernent pas. Les “In-stream” sont bloquées par AdBlock, donc je ne les vois jamais. Quant aux stories, black-out complet : comme la plupart des utilisateurs de Facebook, je ne consulte jamais les stories des autres, qui restent l’apanage d’Instagram et de Snapchat.

Les publicités qui nous intéressent aujourd’hui, ce sont donc celles du fil d’actualité. Celles que l’on est obligé de voir, celles qu’Adblock ne sait pas bloquer, car elles ressemblent à s’y méprendre aux vrais posts, celles qui se fondent diaboliquement dans un décor uniforme.

Ces publicités du fil ont une particularité : elles reposent sur le “micro-targeting”, le micro-ciblage. Car Facebook, et c’est là sa grande force commerciale, nous connaît plus qu’on le pense.

Outre notre identité (sexe, âge, nationalité pour ne citer qu’eux), tous nos comportements, sur Facebook (likes, appartenance à des groupes, interactions diverses) ou à l’extérieur (sites visités, commandes passées, requêtes formulées) sont enregistrés, passés à la moulinette des algorithmes et permettent de dresser un profil de consommateur, probablement agrémenté de quelques variables “psychométriques” (notre profil psychologique), terme que l’on avait rencontré au détour de l’affaire Cambridge Analytica.

Ces traces que nous laissons, ce sont nos “signaux”. Les algorithmes en captent des dizaines de milliers (au sens propre du terme, Facebook nous l’avait expliqué l’année dernière lors d’une interview) et font ensuite des dizaines de milliers de corrélations pour trouver LE meilleur truc à afficher dans le fil d’actualité, posts ou publicité pêle-mêle, et nous faire rester le plus longtemps possible (“améliorer notre expérience“, euphémiserait Facebook).

Bref, jusque-là, je ne m’étais jamais vraiment posé la question de l’efficacité de ces signaux. À mes yeux, il s’agissait plutôt d’une sorcellerie mathématique, qui marchait peut-être pour les personnes les plus influençables, tout du moins pour les utilisateurs embués dans un état de réceptivité élevée, pour une raison ou pour autre – parce qu’ils s’ennuient ce jour-là, parce qu’ils ont une envie forte de sociabilité ou parce qu’ils ont une envie irrépressible de consommer des petites vidéos courtes.

Et puis l’autre soir, il s’est passé un truc étrange : je me suis rendu compte, non sans effroi, que je scrollais mon feed principalement pour voir quelles publicités Facebook allait me proposer ! Oui, les pubs m’intéressaient presque plus que les publications de mes ami·e·s (le peu d’entre eux que je n’ai pas masqués) ou des “Pages” que je suis. Chose impensable avec la publicité traditionnelle.

Ces pubs, quelles sont-elles ? Elles présentent beaucoup de gadgets technologiques amusants, farfelus, teintés d’un esprit pionnier et bon enfant de crowd-funding, produits pseudo-innovants, peut-être des arnaques, en tout cas, que des produits je n’ai jamais vus ailleurs que sur ces pubs.

Ces produits pourtant, j’en ai acheté peu par le passé, je ne les achèterai sûrement pas demain, mais Facebook juge bon de m’en faire défiler des dizaines sous les yeux, et oui, je suis content de les voir. C’est une sorte de gadget-tech-porn qui, peut-être et allez savoir, me poussera à l’achat tôt ou tard.

Exemple non-exhaustif de ce que je retrouve, tous les jours de la semaine, dans mon feed :

En poussant l’analyse, je constate aussi autre chose : Facebook semble avoir compris que je n’aimais vraiment, mais alors vraiment pas les pubs pour les grandes marques. C’est même Facebook qui m’a permis de le comprendre : je suis bien plus sensible et réceptif aux petits projets indépendants qui ne cherchent pas à conquérir le monde. Au fil de mes récentes sessions de scroll, je n’ai croisé qu’une seule grande marque (qui m’a laissé totalement indifférent) :

J’en reviens donc au titre interactif de cet article : suis-le seul à me sentir cerné de toutes parts ? Si d’autres font le même constat, j’aimerais savoir ce qu’ils ressentent : si ça les angoisse, s’ils trouvent cela mieux que la publicité classique, si ça les pousse à l’acte ou pas. Et si, comme moi, ils se sentent un peu coupables d’aimer comme un mouton ce que des algorithmes amènent sur un plateau.

Pour livrer vos réflexions, c’est ici : hellokonbinitechno@konbini.com