Nvidia débourse 40 milliards de dollars pour racheter un géant des microprocesseurs

Nvidia débourse 40 milliards de dollars pour racheter un géant des microprocesseurs

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(c) The NVIDIA EGX A100

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Par Pierre Schneidermann

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La vente du géant Arm devrait être finalisée d'ici mars 2022.

Le japonais SoftBank Group a annoncé lundi la cession pour 40 milliards de dollars de sa filiale britannique Arm, géant mondial des microprocesseurs, à l’américain Nvidia, champion des cartes graphiques, sans lever les interrogations sur l’évolution de son modèle d’activité.

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Cette méga-acquisition devrait être finalisée d’ici mars 2022, sous réserve de l’approbation de nombreuses autorités réglementaires dans le monde entier. Nvidia va payer plus de la moitié (21,5 milliards de dollars) avec ses propres actions.

Le prix de 40 milliards de dollars est un montant maximum, car le versement d’une tranche de 5 milliards de dollars, payable soit en numéraire soit en actions Nvidia, sera conditionné “à l’atteinte par Arm d’objectifs spécifiques de performance financière”. SoftBank Group devrait posséder entre 6,7 % et 8,1 % du capital de Nvidia à l’issue de l’opération.

C’est l’une des plus importantes fusions-acquisitions mondiales annoncées depuis le début de l’année. Elle promet de faire de Nvidia un mastodonte du secteur des semi-conducteurs.

Fondée en 1990 en Angleterre, la filiale Arm est spécialisée dans les microprocesseurs, avec une part de marché mondiale écrasante dans les smartphones. Ses puces, fabriquées sous licence, se trouvent aussi dans d’innombrables capteurs, objets connectés et services de cloud (informatique à distance).

Nvidia, dont les cartes graphiques sont notamment très utilisées par l’industrie du jeu vidéo, a vu ses ventes grimper en flèche depuis la crise du coronavirus. Ses produits sont également de plus en plus présents dans l’intelligence artificielle et les centres de données.

“Maintenir la neutralité” d’Arm

SoftBank Group avait acheté Arm en 2016 pour environ 31 milliards de dollars. L’entreprise envisageait initialement de réintroduire la société en Bourse, mais a expliqué lundi que l’accord avec Nvidia devrait permettre “de mieux matérialiser le potentiel de Arm”.

“Arm a sous-performé” sous la houlette de SoftBank Group, a déclaré lundi à l’AFP Amir Anvarzadeh, stratégiste chez Asymmetric Advisors basé à Singapour. La vente à Nvidia “va faire sourciller” de grands acteurs mondiaux des semi-conducteurs, car leurs partenariats avec Arm pourraient être désormais compromis, le groupe américain étant l’un de leurs concurrents. “Ils auront besoin de garanties”, a ajouté M. Anvarzadeh.

“Nous allons maintenir la neutralité” d’Arm vis-à-vis de ses clients, ainsi que son modèle de licence ouverte, a promis le patron de Nvidia, Jensen Huang, dans une lettre à ses employés publiée sur le site du groupe. Il a aussi annoncé que le siège d’Arm resterait à Cambridge (Angleterre), où Nvidia prévoit par ailleurs d’implanter un centre mondial de recherche dans l’intelligence artificielle.

L’action SoftBank Group, qui avait beaucoup souffert la semaine dernière, a décollé lundi à la Bourse de Tokyo, pour finir en hausse de 8,95 % à 6 385 yens. Son envol a aussi été lié à des spéculations dans la presse selon lesquelles SoftBank Group songerait à racheter toutes ses actions en circulation et quitter la Bourse de Tokyo, remettant au goût du jour un vieux projet.

Une sortie de la cote offrirait moins de contraintes au groupe en termes de transparence de ses comptes, alors qu’il est en train de muer toujours davantage vers une pure société d’investissement.

“Spéculateur” sans génie

SoftBank Group a initié cette année un méga programme de cession d’actifs pour renforcer ses liquidités et financer d’énormes rachats de ses propres actions. Il a considérablement réduit sa présence dans les télécoms, ayant vendu des parts conséquentes de ses actions T-Mobile US et SoftBank Corp, sa filiale japonaise de téléphonie mobile.

Il a aussi monétisé une partie de ses actions dans le géant chinois du commerce en ligne Alibaba, en les utilisant comme garanties pour emprunter. Mais un nouveau virage stratégique de SoftBank Group inquiète ses actionnaires : plutôt que de miser essentiellement sur des start-up, le groupe investit désormais dans des champions technologiques déjà cotés en Bourse.

SoftBank Group aurait ainsi investi des dizaines de milliards de dollars dans des valeurs technologiques américaines sous forme de dérivés d’actions, ce qui aurait influé sur l’envolée de l’indice Nasdaq cet été, selon plusieurs médias.

Le repli du Nasdaq depuis début septembre a jeté un doute sur le bien-fondé d’un tel pari, d’autant que le groupe japonais reste pour l’instant muet sur ses récentes opérations boursières.

Masayoshi Son, l’emblématique PDG de SoftBank Group, “n’est pas un génie, mais un spéculateur” qui a perdu beaucoup de sa crédibilité après une série d’échecs cuisants, selon M. Anvarzadeh. “Quand il y a une bulle technologique, il n’est jamais très loin.”