On a discuté avec un mec qui fait des centaines de millions de vues en restaurant des objets

On a discuté avec un mec qui fait des centaines de millions de vues en restaurant des objets

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Par Pierre Bazin

Publié le

Bienvenue dans un monde où la rouille qui se décolle est la plus belle chose que vous verrez aujourd’hui.

Pour tout amateur de contenus “satisfaisants à regarder”, il est impossible d’ignorer les vidéos de restauration de vieux objets. Le principe est simple : regarder le processus artisanal de remise en état d’un vieil ustensile, outil ou d’une vieille machine. Sur YouTube, Facebook, Instagram et désormais TikTok, ces vidéos accumulent des dizaines, si ce n’est des centaines, de millions de vues. Ici, pas de featuring de célébrité, de montage survitaminé ou de gags à gogo : la seule star, c’est un objet rouillé à qui on rend une seconde vie.

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Martin, 27 ans, gère LADB Restoration, qui inclue notamment une grosse chaîne YouTube à 800 000 abonnés et quasiment 200 millions de vues en cumulé. Après ses études en école de commerce, ce Perpignanais d’origine se tourne logiquement vers la recherche d’un emploi depuis le domicile familial.

Constatant qu’il aurait cruellement besoin de son propre bureau, il décide tout d’abord de le fabriquer lui-même, accompagné de son père. Il décide au passage de filmer toute la manipulation pour la publier sur YouTube, vidéo qui existe toujours d’ailleurs “parce que c’est quand même sympa de voir toute la progression qui a été faite depuis sur la chaîne”, s’en amuse-t-il.

Les premiers retours sont bons et Martin continue sur sa lancée. Très vite, “L’Atelier des Bonhommes”, en référence à son père et lui, est simplifié en LADB, notamment pour l’international. “J’avais entendu un Américain essayer de recommander ma chaîne avec au moins trois mots sur quatre de faux, donc j’ai simplifié avec l’acronyme !”, nous explique-t-il. Il faut dire que la chaîne ne joue pas sur le même terrain que Michou ou McFly et Carlito : seulement 2 % de son audience est française !

En 2019, tout s’enchaîne très vite pour Martin. Il décide de lâcher son job à Barcelone pour vivre pleinement de son activité de vidéaste. Il commence réellement à percer sur YouTube, puis Facebook. De vieilles perceuses rouillées aux meules à grains en passant par des pressoirs à raisin, les vues s’accumulent et une certaine communauté d’habitués commence à être au rendez-vous à chaque vidéo.

“C’est très satisfaisant de voir que tu as une solide communauté d’abonnés qui attendent tes vidéos, qui te font leurs retours.”

Et ça paye. En 2020, LADB Restoration accumule 50 millions de vues sur YouTube ; l’année d’après, c’est 123 millions de vues et ce, sans compter les autres réseaux comme Facebook ou Instagram. Mais chaque vidéo est minutieuse, plutôt longue (entre 20 et 30 minutes) : au total, Martin et Vincent, le monteur, n’ont sorti “que” 16 projets de restauration en vidéo sur l’année 2021.

La tendance au satisfying et à l’authenticité

Martin était, avant tout, un amateur de vidéos de restauration, avant de décider de les faire lui-même. Pendant un temps, les vidéos d’artisanat sur YouTube se résumaient aux tutoriels, “puis il y a eu une deuxième vague bien plus ‘satisfying'”, nous explique-t-il, à peu près au même moment que la tendance ASMR.

“C’est très reposant et satisfaisant de voir ces vidéos et surtout à la fin, tu sais que ça va bien se terminer : l’objet sera fonctionnel et en bon état, il n’y a pas de mauvaise surprise. C’est réconfortant !”

Au-delà du process très satisfaisant, c’est aussi l’authenticité de ces vidéos qui fait leur succès. Martin a lui-même appris (grâce à YouTube pour boucler la boucle) à se servir d’un tour à bois ou d’une sableuse pour faire ses vidéos : Ça reste des machines accessibles, pas des outils à 100 000 euros ! Les gens regardent comme si c’était quelqu’un qu’ils connaissaient, un oncle un peu bricoleur, par exemple.”

D’où le choix également de ne pas incarner, de ne pas se montrer, pour que n’importe qui puisse s’y identifier. Seul Avril, le chat de Martin, vient de temps en temps faire une apparition, “il a ses propres fans mais il doit encore travailler son jeu d’acteur. Je l’attire avec des croquettes, il ne vient pas forcément de lui-même”, concède-t-il, amusé.

Ce côté “amateur éclairé” rend toutes les vidéos de LADB bien plus authentiques. Martin nous cite le contre-exemple de “Pimp My Ride” ou toute autre émission américaine du genre où les processus de réparation se font en un cut au montage. Les vidéos de restauration sont, elles, exhaustives, elles montrent (presque) tout le processus et sans aucune musique car “seul le son des machines et des outils compte, et en plus, j’ai aucun problème de droits d’auteur à gérer [rires] !”.

“L’objet, c’est ma star”

Qu’est-ce qui fait le succès d’une vidéo de restauration satisfaisante ? Au-delà de l’artisanat, ce sont des compétences de production et même scénaristiques qu’a développées Martin. La vidéo doit être très bien rythmée, comme un court-métrage mais dont on connaît la fin heureuse.

Mais d’abord, il faut trouver l’objet. Pour Martin, ça ne manque pas, on lui propose régulièrement des projets et il se fournit lui-même chez d’autres collectionneurs. “Le Bon Coin, c’est une vraie mine d’or pour ça !”, assure-t-il.

“Un bon objet pour une vidéo, c’est déjà un objet bien abîmé. L’important, c’est la promesse dès l’introduction. Si on sait qu’il y aura une longue phase de démontage, de nettoyage, beaucoup de matière rouillée à enlever, c’est déjà très bien parti ! Après, le nombre d’outils différents utilisés peut jouer, par exemple je suis persuadé que les sableuses ont grandement popularisé ces types de vidéos.”

Les premières vidéos de Martin étaient centrées sur de gros objets comme des meules. “J’avais un peu la fausse croyance que plus l’objet était impressionnant, plus ça allait intéresser.” Finalement, le Perpignanais se rend compte que de tout petits objets, comme des clefs anglaises, marchent tout aussi bien, si ce n’est mieux, notamment lorsque ces objets incluent de nombreux mécanismes. Au fil du temps, il remarque même certaines tendances se créer sur sa chaîne : les gens aiment les objets “WTF”, avec de l’histoire, qu’il a d’ailleurs décidé de restaurer, comme une “machine à sertir des capsules en plomb au bout des bouteilles”.

“Mais mes bangers, ce sont les tranches pain”, assure-t-il, et de manière générale, les objets liés à la nourriture. Sur Facebook, la restauration d’un tranche pain a accumulé 250 millions de vues, du jamais vu.

YouTuber ? Martin n’est pas contre l’appellation : “Mon travail principal, ce n’est pas de restaurer des objets, c’est de faire des vidéos.” Chaque miniature de vidéo, chaque plan, chaque détail de ses vidéos est travaillé avec minutie. Pour la suite de LADB, il souhaiterait mettre en avant d’autres types d’artisans, faire de sa chaîne une vitrine en leur donnant les mêmes moyens techniques et esthétiques.

Si vous souhaitez contacter Martin, vous pouvez à hello@ladb.co

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