Seul un de ces six émojis est un vrai rebelle, saurez-vous dire lequel ?

Seul un de ces six émojis est un vrai rebelle, saurez-vous dire lequel ?

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Par Pierre Schneidermann

Publié le

Indice : il exprime un symbole de contestation devenu quasi universel.

Sur l’image juste au-dessus, nous avons sélectionné six représentations de l’émoji “personne agenouillée” qui s’affiche selon que vous utilisez (1) Apple (2) Google (3) Microsoft (4) OpenMoji (5) Facebook (6) Samsung – si vous en redemandez, la liste exhaustive se trouve sur la page consacrée d’Emojipedia.

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Parmi les six émojis, l’un d’entre eux se distingue de ses congénères. Alors non, il ne s’agit pas du jaune tout moche d’OpenMoji (même s’il fait vraiment très vilain petit canard, on le concède).

Non, jetez plutôt un œil sur celui de Google. Que remarque-t-on ? C’est le seul personnage à reposer sur un seul genou. Les cinq autres sont confortablement installés, pépouze, sur leurs deux genoux. Symboliquement, ça change tout et l’histoire derrière cet émoji “personne agenouillée” mérite d’être racontée.

Tout commence dans la vraie vie. En 2016, Colin Kaepernick, un joueur de football américain, s’agenouille devant toutes les caméras de son pays pendant l’hymne américain pour protester contre les violences policières et les discriminations faites aux minorités. L’image fait le tour des États-Unis, puis du monde entier et suscite indignation ou approbation selon son camp.

La suite de l’histoire nous est racontée par Fast Company. En 2017, un designer, Ji Lee, constate qu’il n’existe pas d’émoji fort permettant de signifier l’idée de contestation. Immédiatement, un symbole s’impose à ses yeux : celui de la personne agenouillée, en référence à Colin Kaepernick.

En mars 2018, Ji Lee fait ce que tout quidam fait lorsqu’il désire qu’un nouvel émoji arrive sur nos smartphones : il décide d’adresser un dossier au consortium Unicode, qui sélectionne, chaque année, avec rigueur et fermeté, les nouveaux émojis.

Mais Ji Lee n’envoie pas lui-même directement son dossier. Il passe par l’organisation Emojination, qui a pour mission très précise d’aider les quidams à rédiger leur dossier de candidature pour le consortium. Sur sa page d’accueil, Emojination se targue par exemple d’avoir fait passer l’émoji hijab, sauna ou encore Broccoli. Oui, broccoli.

L’émoji “personne à genoux” dessiné par Ji Lee et reprise dans le dossier d’Emojination

Or, il se passe une chose étrange quand Emojination reprend le dossier de candidature en main : la notion de protestation disparaît presque complètement dans le plaidoyer (le document est public, il est ici). Tout au plus trouvera-t-on deux mots :

“Être à genoux évoque une position de repos, mais cela peut aussi faire référence à des contextes religieux ou politiques.”

Pire que ça, l’émoji “personne agenouillée” se retrouve pris en étau entre deux autres propositions dans le même dossier, l’émoji “personne debout” et l’émoji “personne assise”. Trois positions propres aux bipèdes qui visent à réhabiliter la sédentarité (dixit le plaidoyer).

Bref, les mois passent et Ji Lee oublie complètement cet épisode. Jusqu’à ce que le Black Lives Matter revienne sur le devant de la scène. Ji Lee se souvient alors de son projet d’émoji contestataire griffonné deux ans plus tôt avec Emojination… et constate que l’émoji agenouillé est bel et bien arrivé (fin 2019, avec la version 12.0). Mais ô stupeur : seul Google a repris l’idée de contestation avec un seul genou au sol.

Le graphiste s’en est récemment ému dans un post Instagram. Il exhorte le consortium Unicode à revoir sa copie.

De fait, chaque plateforme est libre de dessiner ses émojis comme elle le souhaite. Le consortium Unicode se contente d’insuffler des directions, plus rarement des directives.

Jennifer 8. Lee, fondatrice d’Emojination et à l’origine du dossier, explique à Fast Company que le plaidoyer aurait pu (et dû) être plus précis. Mais que l’on ne se méprenne pas : si les plateformes ont majoritairement opté pour le double agenouillement, c’est surtout parce qu’elles ont estimé qu’il s’agissait de la représentation la plus utile et universelle qui soit. Argument recevable.

Au cours de l’histoire tumultueuse des émojis, de nombreuses pétitions ont vu le jour pour demander, par exemple, un émoji beurre ou un émoji règles. Étant donné le contexte politique houleux, c’est peut-être le même destin qui attend l’émoji “personne agenouillée”.