
Yann Amiry, community manager chez Décathlon, héros sur Twitter
La commercialisation d'un hijab fait polémique, Décathlon répond avec sang-froid et pédagogie.
Demandez aux fins connaisseurs de Twitter de vous citer l'une des marques qui communiquent le mieux sur le réseau social : il y a une chance sur deux pour qu'ils vous répondent Décathlon.
Les tweets de l'entreprise, qui taquinent du registre humoristique, cassent régulièrement le réseau social, voire carrément le site web de la marque, en lançant par exemple, contre toute attente et via Twitter, la réédition d'un jogging vintage en tirage limité – vente finalement annulée, car victime de son succès.
En fin de semaine dernière, cependant, l'ambiance bon enfant disparait quand, sur Twitter, Lydia Guirous, porte-parole Les Républicains, dénonce la commercialisation d'un hijab estampillé Kalenji, la marque running de Décathlon. Une polémique éclate : les détracteurs y voient une islamisation insoutenable.
Pris sous le feu des critiques, Décathlon riposte. Dans les médias, les communicants de la marque persistent et signent. Sur Twitter, on répond à quelques-uns des détracteurs, patiemment et avec des arguments. Au total, une vingtaine de tweets seront postés, avec des mots soigneusement pesés.
Bonjour,
— Decathlon (@Decathlon) 25 février 2019
Rassurez-vous, nous ne renions aucune de nos valeurs. Nous avons toujours tout fait pour rendre la pratique du sport plus accessible, partout dans le monde. Ce hijab était un besoin de certaines pratiquantes de course à pied, et nous répondons donc à ce besoin sportif.
Bonjour Christine,
— Decathlon (@Decathlon) 25 février 2019
Libre à vous de faire ce choix.
De notre côté, nous avons toujours tout fait celui de la tolérance et de la démocratisation du sport. Ce hijab rend la pratique du sport plus facile à plein de femmes qui n’avaient jusqu’à maintenant aucun produit adapté.
Yann
Bonjour Sophie,
— Decathlon (@Decathlon) 25 février 2019
Attention à ne pas faire d'amalgames. En proposant ce produit, nous répondons simplement à la demande de nombreuses sportives portant le hijab et souhaitant bénéficier d'un produit adapté à leur pratique sportive. Nous avons la même démarche pour tous nos produits
Bonjour,
— Decathlon (@Decathlon) 25 février 2019
Le fait est que certaines femmes pratiquent la course à pied en portant un hijab. Celui-ci est souvent non-adapté à la pratique sportive, et peu confortable.
Nous avons donc développé un produit adapté et accessible, à la demande de ces clientes.
Yann
Si le produit n’est pas adapté c’est une gêne en effet. Vous avez déjà essayé de courir avec un bermuda de ville non adapté au sport ? Ce n’est pas hyper agréable. Pour un hijab, c’est à peu près la même chose : s’il est adapté au sport, aucune raison qu’il soit gênant ✌️
— Decathlon (@Decathlon) 25 février 2019
L'auteur de ces tweets s'appelle Yann Amiry. Libération précise qu'il s'agit de l'un des trois membres de l'équipe "social media" de Décathlon. Le trio opère depuis Villeneuve d'Ascq, près de Lille, où se situe le siège social de l'entreprise. Yann Amiry, entré chez Décathlon sept ans auparavant et affecté à la communication digitale depuis 2013, est depuis peu responsable de la marque sur Twitter.
Sur le compte officiel de l'enseigne, les félicitations pleuvent, au milieu du trolling. On salue Décathlon, on complimente Yann :
J'admire deux métiers, les enseignants de maternelle, et celui de #Yann, le CM de @Decathlon
— Anthony Fleury (@afleury59) 26 février 2019
Vu les like, aux prochaines élections décathlon a plus de chances de gagner que les "Républicains". Le CM président !
— Vinatus (@Vinbarpri) 26 février 2019
Yann on te donne toute notre force pic.twitter.com/VDjpIAIDHB
— El_Tacos (@sucuk_NRV) 26 février 2019
Mais finalement, et même si les likes sont légion, Décathlon fait un rétropédalage dans la vraie vie. Le 26 février, l'entreprise annonce suspendre la commercialisation du hijab Kalenji, officiellement à cause des menaces qui ont été adressées aux "coéquipiers".
Suite à de nombreux débats internes, et pour garantir la sécurité de nos collaborateurs en France : pic.twitter.com/0IePfSUkm9
— Decathlon (@Decathlon) 26 février 2019
Sur son compte Twitter personnel, Yann Amiry envoie de l'amour et des remerciements à tous ceux qu'il est désormais de bon ton d'appeler des fans, impressionnés dans leurs réponses par sa pédagogie, sa maîtrise et son sang froid – qualités plutôt rares sur Twitter.
Le 26 février, Yann Amiry avait un peu plus de 3 000 followers. À l'heure où nous écrivons ces lignes, il en a un peu plus de 17 000. "Ce qui se passe depuis hier est complètement fou, parfois même démesuré", ajoute-t-il. On veut bien le croire.
Merci pour tous vos messages, j’essaye de tous vous répondre demain
— Yann Amiry (@Yann_A) 26 février 2019
Par le passé, la marque s'était déjà illustrée par ses gestions de crises sur Twitter concernant, notamment, des sacs à dos colorés jugé sexistes ou des places de parking dans un magasin Décathlon jugées, elle aussi, sexistes.
Par Pierre Schneidermann, publié le 27/02/2019