L’emballage à OLED flexibles vient de débarquer et c’est une sombre idée

L’emballage à OLED flexibles vient de débarquer et c’est une sombre idée

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(c) feat Coca-Cola

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Par Pierre Schneidermann

Publié le

Aussi mignonnets soient-ils, ces sabres laser qui s'éclairent sur l'emballaget sont un vrai fléau pour la planète.

Il y a une semaine, un confrère américain prêtant sa plume au média Gizmodo s’est réjoui d’une opération marketing tout droit catapultée du nouveau monde : à Singapour, Coca-Cola vient de lancer une grande chasse au trésor, faisant miroiter 8 000 bouteilles en édition limitée. Ornementées d’un sabre laser qui s’éclaire sur l’étiquette, elles célèbrent en fanfare le dernier Star Wars.

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Titre de l’article de Gizmodo : “Coca-Cola lance des bouteilles avec un sabre laser lumineux en OLED flexibles et ce sont les premières que je suis prêt à acheter“. Deux informations dans ce titre : la technologie derrière le sabre laser, les OLED flexibles, et la joie tout innocente qui pourrait déclencher l’ouverture d’un porte-monnaie jusque-là récalcitrant. Good game, Coca !

Si les écrans OLED (les concurrents très prisés des bons vieux écrans LCD) ne sont plus une nouveauté, les OLED flexibles, elles, sont une innovation récente dont la science-fiction avait toujours rêvé.

Outre quelques modèles de télévisions, le grand public a surtout fait leur connaissance avec le Samsung Galaxy Fold, le smartphone disruptif, pliant et très cher du constructeur sud-coréen. Ce ne sera pas un coup isolé. Ces OLED flexibles sont promises à un brillant avenir sur nos smartphones : Samsung a récemment annoncé un second modèle et le frère de Pablo Escobar a, lui aussi, flairé le filon. Dans dix ans, les écrans rigides feront rire les non-boomers.

Comme tous les autres types d’écran et beaucoup de matériel électronique, la fabrication des OLED génère de la pollution. Ce sont même de très mauvaises élèves.

Selon des chercheurs sud-coréens ayant publié leurs travaux dans la revue International Journal of Environmental Research en août 2018, la fabrication des OLED serait en effet 1 000 à 2 300 fois plus gourmande en métaux constituant la matière première (or, sélénium, argent, palladium et étain). Et la toxicité des déchets comprenant des OLED serait multipliée de 200 à 600 fois à cause de la concentration d’arsenic, de cadmium, de chromium et de d’antimoine.

Prenons ces chiffres avec précaution. Les travaux de recherche sur le sujet n’abondent pas, ne nous permettant pas de croiser les informations. Et les OLED flexibles monocolores des petits sabres laser ne sont pas non plus comparables à des écrans de smartphone. Elles sont beaucoup moins polluantes.

Mais quand même. Les sabres laser auront une durée de vie de 40 minutes maximum. Après, direction la poubelle. Alors que le tri des déchets plastiques commence tout juste à s’enraciner dans nos habitudes, alors que l’on commence, tout doucement, à ne balancer plus nos vieux smartphones n’importe où, voilà que surgit un packaging hybride, mi-plastique mi-électronique, qui finira soit dans la poubelle plastique (donc au mauvais endroit), soit dans une poubelle lambda parce qu’on ne saura pas où le jeter (donc aussi au mauvais endroit). Le consommateur prendra-t-il le temps de séparer les OLED du reste de l’emballage ? Spoiler : non.

8 000 bouteilles de Coca-OLED-Star Wars, à l’échelle de la galaxie, c’est peu, me direz-vous. Sauf que Coca, à l’avant-garde en matière d’innovations marketing, vient d’ouvrir une brèche. Les designers d’emballages cocacolaphiles se diront “Tiens, si on mettait des OLED nous aussi“. Après tout, il faut ce qu’il faut pour appâter le chaland tiraillé par les choix dans un rayon de supermarché.

Entendons-nous. Il ne s’agit pas ici d’un plaidoyer anti-OLED flexibles. Le futur est en marche, personne ici-bas ne brisera le fabuleux destin des écrans pliants. Les smartphones polluent, on le sait, c’est comme ça, on fonce dans un mur mais on ne sait pas faire autrement. À moins d’acheter un Fairphone et de le garder pendant dix ans.

Mais les OLED flexibles des bouteilles de Coca, elles, sortent de ce champ d’analyse. En a-t-on besoin ? Absolument pas. Est-ce qu’elles vont cartonner ? Absolument. Elles ne sont pas chères (ce qui a beaucoup plu au confrère américain de Gizmodo et à son porte-monnaie), elles sont affriolantes et, qui sait, par effet placebo, elles rendront peut-être le Coca meilleur.

À l’aube d’une décennie nouvelle, un monde écolo-schizophrénique pointe son museau : un monde où, d’un côté, on troque la moindre paille en plastique surgie du passé pour du carton, et où, de l’autre, on s’émerveille, insouciants, des lumières du futur.