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L’Armée française veut un “soldat augmenté” qui se veut éthique

L’Armée française veut un “soldat augmenté” qui se veut éthique

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Par Konbini Techno

Publié le

Exosquelettes et puces intradermiques sont à l'étude.

Opération des yeux pour voir la nuit ou jumelles de vision nocturne, implant corporel pour délivrer automatiquement une hormone antistress : les évolutions technologiques conduisent l’Armée française à se préparer au futur “soldat augmenté”. Tout en fixant des “lignes rouges”.

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Entre cyborg déshumanisé et super-héros doté de pouvoirs surhumains, “la perspective d’un combattant aux ressources physiques et cognitives transformées par la technologie” a été “longtemps cantonnée au champ de la science-fiction”, résume le chercheur Jean-Christophe Noël. Cela “semble de moins en moins éloigné de la réalité”, écrit-il dans une note de l’Institut français des relations internationale (Ifri).

D’où la création par la ministre des Armées Florence Parly d’un comité d’éthique de la Défense, chargé de réfléchir à ces enjeux. Avec le souci de maintenir la capacité d’action de l’armée, tout en préservant ses valeurs, les principes du droit et la dignité humaine.

Le “soldat augmenté” ne date pas d’hier

Dans les faits, l’homme a toujours cherché à augmenter ses capacités.

Le second conflit mondial n’a pas fait exception. C’était une “guerre sous amphétamines”, les Alliés recourant à la benzédrine, les Allemands à la pervitine pour accroître leur vigilance et résister à la fatigue pendant les opérations, rappelle le professeur en philosophie des sciences Pascal Nouvel dans les cahiers de la Revue défense nationale.

Depuis, recherches et innovations se succèdent pour stimuler les facultés physiques ou cognitives du combattant dans le but de renforcer son efficacité.

Plusieurs prototypes d’exosquelettes permettant par exemple de porter des charges plus lourdes ont été mis au point dans le monde. Dans certains hélicoptères d’attaque, la direction du canon est asservie à la direction du regard du pilote grâce à son casque.

Des opérations de la cornée pour accroître l’acuité visuelle de 20 % “semblent avoir déjà été effectuées dans certaines armées étrangères sur des volontaires”, relevait même Gérard de Boisboissel, du Centre de recherche de l’académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan (CREC) lors d’un colloque fin 2019.

“De plus en plus de technologies sortiront l’homme de ses limites naturelles et l’un des enjeux consistera finalement à définir le degré nécessaire de contrôle humain”, décrypte-t-on au cabinet de la ministre.

À ce stade, l’armée française s’interdit les augmentations “invasives”, touchant au corps du soldat. Les seules de ce type autorisées, détaille le comité dans son rapport rendu public vendredi, sont la prise de caféine, d’antipaludéens, les injections de vaccins ou d’antidouleurs en cas de blessure grave.

La ligne rouge de réversibilité

Pour autant, il est “impératif de ne pas inhiber la recherche sur le soldat augmenté […] afin d’éviter tout risque de décrochage capacitaire de nos armées”, estime Gérard de Boisboissel. Certaines augmentations invasives pourraient donc, dans des conditions strictes de contrôle par le service de santé des armées, être permises à l’avenir.

Côté monde civil, il rappelle que plusieurs milliers de salariés en Suède ont accepté de se faire greffer une puce sous la peau pour faciliter leur accès aux locaux de leur société. Dans le monde militaire, cela pourrait se traduire par une puce permettant au combattant d’être géolocalisé en temps réel et d’éviter par exemple les tirs fratricides.

Il faut “toujours rechercher des alternatives” à une augmentation invasive, juge la ministre Parly, suivant l’avis du comité. “Cela oblige à penser l’innovation autrement”, explique-t-elle à l’AFP. La puce, plutôt que glissée sous la peau, peut l’être dans l’uniforme.

Faute d’alternative, chaque augmentation doit pouvoir être “réversible”, rien que pour permettre le retour du militaire à la vie civile, insiste le comité. Celui-ci fixe plusieurs “lignes rouges” : interdiction de pratiques eugéniques ou génétiques à des fins d’augmentation du militaire, interdiction de porter atteinte au libre arbitre ou de diminuer son discernement ou sa maîtrise de l’emploi de la force.

Autant de “risques de déshumanisation” induits par certaines substances qui “prémuniraient le militaire de tout sentiment de peur, de compassion ou de doute”. Pas question donc pour le comité d’éthique que le soldat augmenté devienne “un simple technicien de la mort”.

Konbini techno avec AFP