Prouesse inédite : un aveugle retrouve partiellement la vue

Prouesse inédite : un aveugle retrouve partiellement la vue

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(c) Sahel, Nature Medicine

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Par Benjamin Bruel

Publié le

Rendu aveugle par une maladie génétique, un patient ayant participé à une étude franco-américaine a partiellement retrouvé la vue.

Une première mondiale : celle d’un homme aveugle qui a retrouvé partiellement la vue. Une prouesse réalisée par une équipe de scientifiques franco-américaine grâce à l’optogénétique.

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Le succès de cet essai clinique, véritable preuve de concept pour cette thérapie, a été annoncé lundi 24 mai dans les pages de la revue scientifique Nature Medicine. Les recherches ont été dirigées par le Français José-Alain Sahel, premier auteur de l’étude et fondateur de l’Institut de la vision à Paris, professeur à la Sorbonne et à l’université de Pittsburgh, en partenariat avec plusieurs organisations et un collaborateur de longue date, Botond Roska.

Le volontaire, un Français de 60 ans, est atteint d’une maladie génétique dégénérative : la rétinopathie pigmentaire. Une pathologie qui détruit progressivement les photorécepteurs de la rétine, conduisant généralement à la cécité. Comme le précise Le Monde (édition abonnés), qui a pu s’entretenir avec le patient, celui-ci est en invalidité depuis 2004. Il ne pouvait, à son entrée à l’essai clinique en mars 2019, plus que percevoir la lumière. Aujourd’hui, il peut distinguer, compter et toucher distinctement des objets. Comment cela est-il possible ?

L’optogénétique, un virus dans la rétine

Cette prouesse est la conséquence des travaux menés par José-Alain Sahel et son collaborateur de longue date Botond Roska, de l’institut d’ophtalmologie moléculaire de Bâle. Ensemble, ils ont fondé en 2013 la société GenSight, avec l’idée de développer la thérapie optogénétique.

De quoi parle-t-on ? Comme son nom l’indique, l’optogénétique, terme existant depuis le milieu des années 2000, mêle l’optique et la génétique. En l’occurrence, il s’agissait de modifier les cellules du patient pour qu’elles produisent de nouvelles protéines sensibles à la lumière. Dans l’œil du patient a été injecté un virus contenant une protéine photosensible – notamment issue de l’algue –, dite opsine.

Mais cette protéine n’est pas, à elle seule et pour résumer, suffisamment sensible pour produire une image à partir de la lumière ordinaire entrant dans l’œil. L’opsine détecte une lumière ambrée, qu’il faut donc amplifier pour produire des images.

(© Sahel, Nature Medicine)

Les lunettes de “réalité augmentée”

Les chercheurs inventèrent donc un appareil spécifique dédié, qui ressemble à s’y méprendre à un étrange casque de réalité virtuelle ou des lunettes de réalité augmentée, pour transformer ces informations visuelles dans l’œil du patient.

Des lunettes qui “scannent leur champ de vue des millions de fois et enregistrent chaque pixel dans lesquels la lumière doit être modifiée“, précise le New York Times. “Elles sont équipées d’une caméra qui enregistre la scène visuelle et qui la projette ensuite sur la rétine dans la longueur d’onde de sensibilité de l’opsine d’algue“, explique José-Alain Sahel au Monde.

Quel fut le résultat ? Le patient a donc reçu son injection en mars 2019 à l’hôpital des Quinze-Vingts, à Paris. Trois mois plus tard, il essayait pour la première fois les lunettes. Il enchaîne ensuite les séances et les tests. Par exemple, raconte Futura Sciences, le patient est confronté à un grand cahier et une boîte d’agrafes posés sur une table, qu’il devait localiser. Il devait également compter des gobelets. Pour ceux-ci, il réussit 12 fois sur 19, retrouve le cahier dans 92 % des cas et 36 % pour la boîte d’allumettes.

En sus des lunettes, comme on le voit sur les photos plus haut, le patient est régulièrement équipé d’un casque mesurant son activité cérébrale via son scalp. Les scientifiques ont pu constater que lorsque les lunettes envoyaient un signal à la rétine, la partie du cerveau ayant trait à la vision entrait en activité. “Je devais les compter, les localiser et les saisir. Sans ce dispositif, je pouvais passer 5 minutes à balayer la table. Là, en 10 secondes, je les attrapais sans difficulté“, explique le patient au Monde.

Une première et une prouesse, donc : un aveugle a retrouvé, au moins partiellement, la vue. Un essai clinique qui va bientôt entrer dans une nouvelle phase, avec l’espoir d’aller bien, bien plus loin dans cette nouvelle thérapie.

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