Tout ce qui s’est passé dans mon corps pendant la dernière scène de Challengers avec Zendaya

Gouttes de sueur

Tout ce qui s’est passé dans mon corps pendant la dernière scène de Challengers avec Zendaya

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© Warner Bros.

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Par Flavio Sillitti

Publié le

Sans spoilers, je vous raconte ce que les quinze dernières minutes du nouveau film de Luca Guadagnino ont fait à l’intérieur de mon corps.

Vous n’avez pas pu y échapper : cette semaine, le film le plus hot et stylé de l’année sort en salle. Après avoir filmé Timothée Chalamet et Taylor Russell s’entre-bouffer (littéralement) dans Bones and All, l’Italien Luca Guadagnino (réalisateur de Call Me by Your Name) revient avec Challengers, un film sur le tennis (mais pas que) porté par un trio qui crève l’écran, composé de Zendaya, Mike Faist et Josh O’Connor. J’ai réservé mon jeudi soir pour aller voir le film, seul, et j’en suis ressorti changé. Récit sportif d’une projection pleine de sueur.

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Depuis Call Me by Your Name, la filmographie (certes imparfaite) de Guadagnino me fascine et me plaît pour sa photographie, la poésie de ses plans et surtout l’esprit queer qui découle de ses histoires, même lorsqu’elles sont plus straight que jamais — en témoigne Bones and All. En ce sens, Challengers ne déroge pas à la règle.

Dès le début du film, je me complais dans l’esprit subversif et éminemment queer du film. Ça passe notamment par une façon de filmer les corps masculins de la même manière que ceux des femmes ont historiquement toujours été filmés : avec désir, dans leurs courbes et dans leurs creux — vous allez voir des fesses, des verges et des abdos. L’esprit queer passe évidemment aussi par ce triangle amoureux sous haute tension, rassemblé autour de l’art sacré du tennis. Le sport en question est un personnage actif du film, capturé mieux que jamais et de façon allégorique par un véritable outsider de la discipline. Ça tombe bien, c’est pareil pour moi.

La seule raquette que j’aie touchée dans ma vie est la réplique en polystyrène que j’attachais à la manette de ma Wii quand j’étais gosse, et les seules images qui me viennent en tête quand j’entends les mots “tennis”, “service” et “balle de match” sont des bêtes suantes qui grognent sauvagement dans l’effort — vu comme ça, ce n’est pas si déplaisant. Et de la sueur, c’est justement ce qui m’attend sur Challengers.

Le film est écrit par Justin Kuritzkes, le mari de la réalisatrice Celine Song, qui nous a offert un autre triangle amoureux fascinant avec Past Lives – Nos vies d’avant l’année dernière — ce couple a clairement envie d’un truc à trois. Si je venais pour le buzz, les paillettes (les costumes sont signés Jonathan Anderson, directeur artistique chez Loewe) et les belles gueules du trio de l’affiche, ce sont finalement l’écriture, la construction et surtout la tension folle du film qui me donnent envie d’écrire mon ressenti aujourd’hui, et surtout ce que la dernière scène, explosive, a fait à l’intérieur de mon corps.

La balle de match

Après deux heures qui filent à un rythme agréable et captivant, la fin du film nous plonge dans un match de tennis (tout ce qui m’aurait fait mourir d’ennui il y a encore une semaine) entre les deux protagonistes masculins, incarnés par Mike Faist et Josh O’Connor. Sauf que ce qui se déroule sous mes yeux est bien plus que du tennis, et le mantra selon lequel “le tennis est une relation” est plus clair que jamais. C’est-du-sexe. Relisez cette phrase.

Pam-pam-pam. C’est le son des balles de tennis qui volent d’un côté à l’autre du terrain mais aussi le bruit de mon cœur qui chaloupe alors que l’histoire touche à sa fin et que le dénouement est proche. Je ne compte rien spoiler, mais les enjeux sont gros pour les deux sportifs, et rarement un simple match de tennis n’aura détenu autant d’enjeux émotionnels, bien au-delà du simple esprit sportif — ou bien je n’ai pas vu assez de films sur le tennis ? Bref. Toute la salle est tendue, je suis tendu, des “chuuuut” résonnent lorsqu’un groupe ne peut s’empêcher d’émettre des sons de détresse (ou d’excitation ?). Mais je les comprends.

La caméra s’affole, on passe d’un joueur à l’autre en prenant le soin de revenir sur le personnage de Zendaya, dans le public, avant de passer en caméra subjective. Je deviens la balle de tennis, je fonce à vive allure, je m’écrase sur les raquettes de Mike Faist et de Josh O’Connor, mon ventre se retourne. Ah, le cinéma. Je ne sais plus trop qui je soutiens : la victoire n’a pas vraiment d’importance tant l’essentiel se passe entre les deux acteurs qui frappent, courent et suent. J’insiste : je n’ai jamais vu la sueur filmée de cette façon et j’ai rarement senti la mienne couler comme ça dans une salle de projection.

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Au bout d’un moment, une scène clé fait frémir toute la salle. Je n’ai pas besoin de me retourner pour le savoir : tout le monde a la bouche ouverte, moi y compris. Sans aucun dialogue aucun, alors que le personnage de Josh O’Connor place sa balle au milieu de sa raquette avant de servir, toute la tension du film explose d’un coup, épaulée par l’impeccable bande originale taillée par Trent Reznor et Atticus Ross du groupe Nine Inch Nails. J’ai la bouche ouverte et elle ne se refermera pas avant la fin du film.

Le dénouement est simple, finalement. L’histoire qui vient de m’être racontée l’est aussi, quand j’y pense, mais le film m’a totalement retourné. Quelle tension. Je crois que c’est la complexité des personnages qui m’a fasciné, ou le fait que la véritable histoire d’amour du film n’est pas tout à fait la où on l’attend. Je n’ai jamais vu Zendaya jouer comme ça, et je n’aurais jamais imaginé adorer la mépriser, tout en détestant me reconnaître dans ses travers les plus tordus, mais surtout finement écrits. Argh, j’ai trop chaud.